Aux Alouettes, la maternelle lutte contre le décrochage

Aux Alouettes, la maternelle lutte contre le décrochage

Hier, le journal Le Parisien a mis en avant une nouvelle initiative du quartier des Alouettes pour éviter le décrochage scolaire grâce à une équipe pédagogique dévouée :



Une classe de maternelle hors les murs a été proposée ces dernières semaines aux élèves qui n’étaient pas retournés à l’école. Résultat gagnant avant la rentrée de lundi.

Des puzzles, des livres, des jeux de construction, de la peinture et surtout, deux enseignantes présentes tout au long de la journée pour accueillir les enfants. C’est une véritable petite école en plein air qui s’était installée durant trois semaines au pied des immeubles de la résidence des Alouettes, à Carrières-sur-Seine.

Ces quelques tables, placées à l’ombre des arbres plantés en bordure d’un petit espace herbacé séparant des parkings qu’elles préfèrent appeler « la plaine », les « maîtresses » de l’école maternelle voisine ont décidé de les installer avec l’accord de leur hiérarchie afin « de maintenir le lien avec les familles ».

Car ici, rares sont les enfants à avoir repris le chemin de l’école : un peu plus de 5 % à la réouverture de l’établissement à la mi-mai et seulement 22 sur 130 inscrits cette dernière semaine, avant la reprise générale le 22 juin.

L’enseignante a vu tous les élèves de sa classe qui ne sont pas revenus à l’école

« Il y a dans ce quartier comme dans beaucoup d’autres une grande crainte vis-à-vis de la maladie », explique Béatrice, l’une des deux enseignantes à l’initiative du projet. Ces dernières semaines, elle dit avoir passé beaucoup de temps, « à appeler les familles, les relancer, envoyer des SMS ».

Mais pour vraiment garder le contact, il en fallait encore plus. « Un lieu qui nous permette de retrouver nos élèves, où ils puissent s’amuser librement dehors, et venir avec leurs parents », insiste Béatrice.

Depuis début juin, les cinq enseignants de l’école ont ainsi organisé des rotations pour être présents tout au long du temps scolaire. Et le résultat est allé au-delà des espérances.

L’école baptisée « de quartier » a affiché complet durant trois semaines, avec les mesures qui s’imposent : « les élèves viennent un par un, accompagnés, sur un créneau bien précis, détaille Béatrice. Cela nous offre la possibilité d’avoir un contact privilégié ». La professeure des écoles dit avoir vu tous « les élèves de (sa) classe qui ne sont pas revenus à l’école ».

Des progrès et une relation forte nouée avec les parents

Ce qui fût même parfois l’occasion d’en découvrir certains. Exemple avec cet enfant de petite section arrivé dans sa classe en février. « Il lui arrivait souvent de pleurer car il lui est très difficile de se séparer de sa maman. À chaque rupture d’école, le mercredi ou le week-end, il fallait recommencer tout le travail d’apprivoisement », raconte l’enseignante.

Après de rares retours durant le confinement, elle a fini par perdre le fil. « Il était donc prioritaire », juge-t-elle. Elle contacte alors les parents qui prennent rendez-vous. À son deuxième passage à l’école de quartier, Ethan « n’était pas le même ».

L’école maternelle des Alouettes a créé une classe hors les murs pour renouer avec les enfants du quartier.LP/Sébastien Birden  

« Il marchait seul et souriait. Il a beaucoup parlé, a couru avec moi, a fait de la peinture ». Des progrès qui prennent valeur de « réussites ». « Je ne sais pas ce que ça donnera en septembre, mais nous avons gagné quelque chose, de l’ordre de la confiance, du lien », se félicite l’enseignante.

Plus largement, cette expérience hors les murs aura « radicalement changé la relation avec les familles ». « Et il faudra s’en servir », souligne Béatrice qui dit avoir le sentiment d’être « rentrée dans la vie de certains ». « Je me suis retrouvée à aider des familles non francophones à effectuer des démarches, poursuit-elle. J’ai pu suivre des grossesses au jour le jour… »

Une maman confie «avoir, comme beaucoup de monde, encore peur du virus»

Comme celle de la maman de Jade, une petite fille plutôt timide venue ce vendredi matin avec l’une de ses quatre sœurs faire un jeu de construction en compagnie de sa maîtresse. « Cela lui permet de faire une rentrée progressive, explique son aînée, âgée de 21 ans. Sinon, elle s’habitue à être à la maison. »

La petite Bintou (au centre), 4 ans, est une habituée de l’école en plein air. LP/Sébastien Birden
La petite Bintou (au centre), 4 ans, est une habituée de l’école en plein air. LP/Sébastien Birden  

Quelques minutes plus tôt, c’est Bintou qui se trémoussait à la même table sur l’air de la famille tortue, le tube des moins de 4 ans. Bintou est devenue une « habituée » : c’est déjà la troisième fois qu’elle vient fréquenter l’école.

« Elle est contente, ça lui fait du bien », sourit Assita, sa maman, essoufflée par la chorégraphie. La petite fille n’est pas encore retournée à l’école, la « vraie », mais comme le chuchote Assita, « elle a envie d’y aller et elle réclame ses copains ».

Même si « comme beaucoup de monde », la mère de famille reconnaît avoir « encore peur du virus », Bintou retrouvera sa salle de classe et la cour de récréation lundi, comme la grande majorité des élèves de l’école des Alouettes.

« Il y aura un air de normalité, conclut Béatrice. Les enfants vont pouvoir se retrouver. Et ils en ont vraiment besoin. »



L’École Maternelle vouée à disparaitre

Déjà fragilisés, les habitants ont été très touché par la crise du COVID tant sur le plan de l’épidémie que sur le plan économique renforçant les inégalités et la précarité.

Cela ne change pourtant rien au projet de la Municipalité de la ville prévoit en effet de fusionner l’école maternelle des Alouettes avec l’école Jacques-Prévert en pleine rénovation complète.

L’école maternelle des Alouettes scolarise actuellement plus de 130 enfants répartis en cinq classes de trois niveaux. Cela sans compter une quinzaine d’élèves de moins de 3 ans accueillis dans une très petite section.

La Maire et ses équipes souhaitent faire des économies de fonctionnement en expliquant que les deux écoles sont en sous-capacité. Selon les projections effectuées par un cabinet de conseil indépendant, la baisse serait de seulement 14%.

Un quartier en pleine transformation

Une diminution qui s’explique par la réhabilitation de la Résidence des Alouettes. Un projet sur plusieurs années qui a vidé de nombreux logements en vue de leur démolition.

Malgré le retard, les prochaines étapes du chantier visent notamment à créer 6 nouveaux immeubles (A, B1, B2, B3, C, D1). Cela entrainera donc naturellement une ré-augmentation du nombre d’enfants dans les écoles.

Quid des autres projets ? La zone des grands équipements derrière le Lycée des Pierres Vives, ou encore de futurs logements le long de la route de Saint Germain ? Nous ne savons malheureusement pas si ces impacts ont été pris en compte dans la modélisation…

Vers une démolition de l’école ?

L’école maternelle offre un cadre propice à l’épanouissement des petits enfants avec de nombreux équipements dont ne dispose pas l’école Elémentaire Jacques Prévert :

  • Salles de Motricité
  • Dortoirs
  • Jeux dans la cours
  • Vélos / Tricycles
  • Bac à Sable

En témoigne notamment ses photos réalisées dans les cours de récréations des deux établissements :

École Élémentaire Jacques Prévert
École Maternelle Alouettes

Depuis 10 ans, de nombreux travaux ont été engagés dans l’école maternelle. Un investissement couteux pour un montant de plus d’un million d’euros :

  • 2007 : création d’une extension
  • 2009 : remplacement des éclairages & des plafonds
  • 2010 : nouvelles peintures & aménagement du réfectoire
  • 2011 : refection des sols de l’extension
  • 2014 : remplacement des vitrages & peintures
  • 2017 : nouveau matériel de matériel motricité
  • 2018 : désamiantage complet & installation d’un nouveau revêtement de sol

La fusion des 2 écoles est dénoncée par de nombreux parents, parents d’élèves & anciens. Ils y voient un choix financier à court terme au lieu d’investir dans la réussite scolaire des enfants du quartier.

Interrogés, certains habitants dénoncent le manque de concertation. Ils s’inquiètent aussi de l’avenir du bâtiment qui pourrait être abandonné ou détruit pour laisser place à de nouveaux logements au lieu de devenir une crèche ou encore un centre médical.